Fanta Bernath de
Font-Réaulx :
« L’avenir de la filière cacao en Afrique, c’est plus de transformation locale au service de plus de consommation locale »

Suite de l’interview

R. : En promouvant une plus juste rétribution, le commerce équitable serait-il la solution pour booster les revenus des producteurs de cacao ?

F. B. : C’est évidemment une option à considérer. Néanmoins, dans les circonstances présentes, le commerce équitable reste un marché de niche qui vient s’insérer à la marge des systèmes conventionnels d’achats aux producteurs. La raison de cette faiblesse est que la meilleure rétribution associée à ce type d’échange est toujours associée à des exigences supplémentaires, liées notamment au respect de l’environnement et aux questions de traçabilité. Or, ces contraintes ont un coût, qui doit être supporté par des producteurs aux ressources financières limitées. Pas étonnant dans ces conditions que nombre d’entre eux ne franchissent jamais le pas. Pour vraiment faire décoller les revenus des producteurs de cacao associés au commerce équitable, il faudrait à la fois leur montrer les avantages concrets qu’ils pourraient tirer de cette formule tout en les accompagnant dans leur parcours (certification, formations, obtention de garanties et de crédits pour investir…) pour se mettre à niveau. Une démarche de longue haleine, qui doit notamment être portée par les pouvoirs publics et qui est encore loin d’être systématisée.

R. : Parlant des pouvoirs publics, afin de générer dans la durée le maximum de valeur au sein des filières cacao locales, quelles stratégies étatiques devraient être privilégiées selon vous ?

F. B. : Nos petits producteurs, faibles économiquement, subissent les aléas du marché plus qu’ils n’en tirent parti. Pour casser ce cycle, il faudrait favoriser leur bancarisation systématique. C’est ainsi qu’ils obtiendront les crédits nécessaires pour investir dans leur outil de production et donc se développer. C’est à cette condition notamment que la traçabilité, déjà évoquée, pourra être sensiblement renforcée. Celle-ci correspond aux exigences de notre époque : les consommateurs, de plus en plus sensibilisés aux questions de santé et d’éthique, veulent savoir ce qu’ils consomment. Le fort développement actuel du « bean-to-bar(3) » traduit du reste cette volonté de renouer avec les circuits courts, la transparence, les produits « bruts » et l’approche originelle du métier d’artisan. En tant que producteurs de cacao, il nous faut bien entendu en tenir compte, d’autant plus qu’il s’agit de produits « premium », aux marges plus élevées. On continue de même à transformer peu sur place. Il y a là une remontée évidente à opérer dans la chaîne de valeur. Mais plus encore, le vrai réservoir de croissance et de richesse à venir se situe dans le fort potentiel de la consommation locale. Là est l’avenir de la filière cacao en Afrique : plus de transformation locale au service de plus de consommation locale. Que ne pourrait faire par exemple un bon marketing, mettant en avant les qualités nutritives du chocolat, et produit par tout un écosystème de dynamiques PME africaines ! C’est en intégrant tous ces leviers d’action que les filières cacao du continent pourront prospérer dans la durée.

3- Contrairement aux traditionnels chocolatiers-pâtissiers, qui ne fabriquent pas eux-mêmes leur chocolat, les chocolatiers « bean-to-bar » prennent en charge toutes les étapes de la fabrication d’une tablette (torréfaction, broyage, vannage, raffinage, conchage…).